La physique quantique 4

ou

Le chat mort-vivant de Schrödinger






L'autrichien Erwin Schrödinger (1887-1961) est l'un des pères de la physique quantique. C'est lui qui est l'inventeur de la "fonction d'onde" qui permet de connaître la concentration de l'onde électronique dans l'atome à tel ou tel endroit. Avec lui, l'électron n'est plus un corpuscule localisé précisément, mais une portion de paquet d'onde (l'orbitale électronique) où l'énergie est très concentrée. Mais Schrödinger deviendra surtout célèbre pour avoir imaginé en 1935 le paradoxe du chat afin d'illustrer l'absurdité de la physique quantique lorsqu'on l'applique à des objets complexes dits macroscopiques (à notre échelle).
 

Le paradoxe du chat

Imaginons le dispositif suivant:

Un pauvre chat est enfermé dans une boîte pourvue d'un hublot.
Dans un coin de la boîte, un atome d'uranium radioactif et un détecteur conçu pour ne fonctionner qu'une minute (par exemple). Pendant cette minute, il y a 50% de chance pour que l'atome U se désintègre en éjectant un électron; lequel électron ira frapper le détecteur; lequel détecteur actionnera alors un marteau qui brisera une fiole de poison mortel placée dans la boîte du pauvre matou... Fermons la boîte, déclenchons l'expérience et demandons-nous AVANT de regarder par le hublot si le chat est vivant ou mort... Evident me direz-vous, il a 50% de chance d'être vivant et autant d'être mort.
 
 

Eh bien figurez-vous que la physique quantique a un doute: elle vous dira que le chat, AVANT observation, est vivant ET mort à la fois! Absurde! Et pourquoi!? L'état (vivant ou mort) du chat ne dépend en fait que de l'état (émission d'un électron ou non) de l'atome d'Uranium. Or la physique quantique affirme que l'atome U est un être quantique auquel est applicable le principe de superposition: les particules atomiques peuvent exister dans plusieurs états superposés et simultanés.


CAT'ION le chat quantique superposé !



Par exemple, nous avons vu que l'électron, étant donné sa nature ondulatoire, peut être localisé tout autour du noyau d'un atome; il est présent simultanément à plusieurs endroits, et cela AVANT qu'il ne se soit observé.
 

orbitale électronique électron observé 
nature ondulatoire nature corpusculaire

De même, un atome radioactif d'uranium peut exister dans deux états superposés: intact et désintégré.
Cet état de superposition cesse immédiatement dès qu'il y a observation, et donc interaction, de la particule; on dit alors qu'il y a décohérence lorsqu'un système A et B devient un système A ou B.

On comprend mieux dès lors le paradoxe du chat: L'état "superposé" de l'atome U devrait se transmettre à notre félin macroscopique et le transformer en un horrible mort-vivant! Evidemment, lorsque l'on observe le chat à travers le hublot, il y aurait décohérence de son état et choix d'un seul état.
Une telle explication n'est bien sûr que difficilement acceptable pour notre monde macroscopique et elle montre les difficultés d'interprétation que soulève le formalisme mathématique quantique (car ces états superposés sont faciles à concevoir lorsque ces systèmes sont définis par des fonctions d'onde; les ondes s'additionnent sans problèmes).

Comment dès lors expliquer que le principe de superposition ne s'applique pas à notre monde humain (en dehors des films d'horreur du type "la nuit des morts-vivants")?

La superposition d'état concerne en fait des particules totalement isolées. A l'echelle quantique, les particules évoluent dans un grand vide et les rencontres sont assez rares. A notre échelle, c'est très différent: notre chat respire les milliards de molécules d'air qui sont dans la boîte, sans compter tout ce qui innonde notre univers: les ondes radio, infrarouges ou les rayons cosmiques...Ces milliards d'êtres quantiques incontrôlables percutent notre matou et interagissent des milliards de fois par seconde avec lui. L'état superposé "vivant ET mort" dans lequel se trouve le chat ressemble à une bulle de savon: une bulle est éphémère et est détruite à la moindre interaction. La décoherence des objets macroscopiques est quasi-immédiate. Ouf! notre logique a eu chaud...

Il faut d'ailleurs signaler une retentissante expérience réalisée en 1996 par les français Jean-Michel Raimond, Serge Haroche et Michel Brune: Une expérience de physique très complexe qui a permis de confirmer le phénomène de décohérence, et qui a permis de "voir" le glissement progressif du "ET" quantique au "OU" classique.
 
 




Pour illustrer les dérives d'une interprétation abusive du paradoxe du chat, voici un excellent article extrait de Science&Vie Junior Hors série N°34:
 

Le chat, la conscience et les univers parallèles
 
 

surprise: La preuve que je suis vivant!Le paradoxe du chat de Schrödinger a déchainé les passions parmi les physiciens. Car il pose un vrai problème, celui de la mesure en physique quantique.
En gros, est-ce la mesure ou l'observation qui décide vraiment si le chat est mort ou vivant?  En d'autres termes, sont-ce les mesures, les observations qui décident de la réalité des choses? Alors, si les humains n' existaient pas, le monde n'existerait pas non plus !
Certains physiciens (une petite minorité) ont répondu oui à cette question épineuse en suggérant des solutions bizarres.

La première a été soutenue par un prix Nobel de physique, Eugène Wigner. En gros, ce ne serait pas l'appareil de mesure, mais la conscience de l'observateur qui " déciderait" finalement si le chat est mort ou vivant. En regardant par le hublot, l'oeil (dans ce cas, c'est lui l'appareil de mesure) se met dans une superposition d'états:

Le nerf optique achemine au cerveau une onde qui est aussi dans une superposition des états A et B, et les cellules réceptrices du cerveau suivent le mouvement. C'est alors que la conscience, brutalement, fait cesser le double jeu, obligeant la situation à passer dans l'état A ou dans l'état B (mais attention : rien ne nous dit POURQUOI ce serait A ou B). Comment? Ça, Wigner ne le dit pas. Mais les conséquences de sa position sont hallucinantes : rien n'existe vraiment en dehors de ce que perçoit notre conscience!

Affinons l'expérience. Une caméra filme l'intérieur de la boite; elle transmet les images à un ordinateur qui analyse les formes, reconnait si le chat est immobile (= mort) ou actif (= vivant) ; il en déduit si l'animal est dans l'état A ou dans l'état B. Puis il transmet l'information à une imprimante. Sans regarder ce qui est imprimé, l'observateur place le verdict dans une enveloppe... qu'il ouvre un an plus tard.

Allez, une aspirine et au lit.



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